Diabète de type 1 et alimentation, un rapport compliqué (Part. 2 : résultats de l’étude)

Diabète de type 1, rapport à l'alimentation et TCA

Dans un premier volet de la série “Diabète de type 1 et alimentation” , je vous faisais part du rapport délicat que peuvent entretenir les diabétiques de type 1 à l’alimentation, ainsi que les enjeux associés (vous pouvez lire l’article ici). Je vous annonçait également la communication prochaine des résultats de l’étude que j’ai mené sur le sujet en France. Pour rappel, l’étude a été lancée car peu de chiffres existent aujourd’hui en France pour appuyer le phénomène que constituent les troubles des conduites alimentaires (TCA) chez les diabétiques de type 1. Le but étant in fine de le rendre visible, surtout auprès du corps médical, car il n’existe pas ou peu de prise en charge psychologique des diabétiques de type 1 souffrants de TCA. Voici donc aujourd’hui la suite et synthèse de cette étude. Elle vise à mettre en lumière le rapport entre diabète de type 1 et alimentation, non seulement avec des données chiffrées, mais également des témoignages. Je remercie mes acolytes Elsa (@that_woman_type) et Cloé (@1.12gl) pour m’avoir aidé à réaliser et lancer cette enquête, ainsi qu’à en avoir analysé les résultats pour les communiquer à travers une vidéo sur la chaîne YouTube des Déesses Sucrées (voir plus bas). Je les salue également pour leur travail engagé auprès de la communauté des femmes diabétiques de type 1, et leur communication active sur le sujet.


Étude réalisée d'avril 2021 à janvier 2022, sur la France, anonymement et à travers un questionnaire en ligne.
Elle collecte les réponses de 514 personnes diabétiques de type 1, dont 87% de femmes.
35% des répondants ont entre 26 et 35 ans, le reste allant de moins de 15 ans à plus de 56 ans.
57% des répondants sont traités par pompe à insuline, 42% par stylo à insuline, 1% par un autre traitement non précisé.
71% des répondants sont des personnes actives, 20% sont des étudiants.

1. Privation et culpabilité face à la nourriture, conséquences du diabète

Le diabète est une maladie qui implique un contrôle permanent. Sur la glycémie d’une part, mais également sur les facteurs qui impactent la glycémie. L’alimentation est la variable par défaut, aux premières loges des variations dont elle est la cause principale, aux côtés de l’insuline.

78% des répondants estiment que leur rapport à l’alimentation en général est influencé par leur diabète. Il est vrai qu’avec un diabète, les assiettes deviennent des chiffres et l’alimentation instinctive n’est pas possible : contrôle et comptage sont les maîtres mots. Le sentiment de privation vis-à-vis de l’alimentation est mis en avant par 88% des répondants, ayant déjà eu l’impression de se priver de nourriture pour contrôler le diabète.

Et si un écart a lieu, la culpabilité s’ensuit pour beaucoup. Ce sont également 88% des répondants qui affirment avoir déjà ressenti de la culpabilité après avoir mangé certains aliments car ils l’associent à un potentiel déséquilibre glycémique.
Cela peut aussi s’expliquer par le fait qu’avec un diabète, on considère vite certains aliments ou catégories d’aliments comme “interdits” (principalement, les produits sucrés, glucidiques). Ceci a d’ailleurs déjà, entre autres facteurs, poussé plus de la moitié (60%) des personnes à se cacher pour consommer certains aliments.
Pourquoi ? La honte, la peur du jugement ou du regard des autres, la culpabilité sont des mots qui reviennent énormément.

 

 

Extrait des réponses à la question “Vous êtes-vous déjà caché pour consommer certains aliments ? Si oui, pourquoi ?

Diabète et peur de grossir

Si la privation et la culpabilité sont souvent présentes en cas de consommation d’aliments, elles sont pour beaucoup également due à la peur de grossir.

En effet, la prise de poids est l’élément qui apporte le plus d’appréhension aux répondants concernant le diabète, avant même les hypoglycémies, puis les hyperglycémies.

Parmi les 32% des personnes affirmant qu’il leur arrivait parfois de se sous-injecter volontairement, la raison “peur de grossir” arrive en seconde position (20%), derrière la peur de l’hypoglycémie.

L’administration d’insuline externe est pour beaucoup associée à la prise de poids. C’est une crainte qui revient beaucoup, plusieurs fois citée dans les réponses libres des participants. Ce sont 10% des participants qui déclarent avoir déjà volontairement restreint leur insuline dans le but de contrôler leur poids.

Enfin, plus de la moitié des répondants (63%) estiment que leur rapport à leur corps est influencé par le diabète.

Tableau des réponses au formulaire Forms. Titre de la question : 26. Vos rapports au corps et à l'alimentation sont-il, selon vous, influencés par le diabète ?. Nombre de réponses : 514 réponses.

Un comportement alimentaire changé avec le diabète

L’acte de manger n’est plus anodin une fois le diagnostic tombé. La variable d’ajustement de nos glycémies entre en compte, distordant sur son passage la sensation de faim et de satiété. Manger devient parfois une nécessité immédiate pour remédier à une glycémie trop basse. Peu importe l’heure, l’endroit, la raisonnablité.

À l’inverse, une glycémie trop haute peut impliquer de se priver de nourriture. Faim ou non. Si le sucre est l’antidote, c’est aussi le poison. L’insuline nous traite mais peut nous mettre dans le mal. On cherche l’équilibre constamment, la spontanéité n’existe pas ou peu.

Ces éléments poussent certains diabétiques de type 1 à se sur-injecter (66% des répondants) pour voir leur glycémie baisser plus tard, et pouvoir s’autoriser un plaisir sucré.

Le choix du régime alimentaire est également légèrement impacté par l’arrivée du diabète. Si 75% des répondants affirment manger de tout, le régime IG bas ou pauvre en glucides arrive en seconde place.

Les raisons : meilleur contrôle glycémique, moins de pics, meilleurs HbA1c, moins de besoins en insuline.

2. Focus sur les TCA : chiffres et témoignages

Rappel :

Sources : Définitions TCA : ameli.fr¹, journeemondialetca.fr² ³⁴⁵

Avez-vous (ou avez-vous déjà eu), à votre connaissance ou suite à un diagnostic, des problèmes liés au poids ou à des TCA (troubles du comportement alimentaire) ? Si oui, le(s)quel(s) ?

Sur-poids
134 personnes 26%
Sur-consommation d'aliments
127 personnes 24.7%
Hyperphagie (ingestions excessives et compulsives d'aliments sans comportement compensatoire)
115 pers. 22.4%
Variation(s) fréquente(s) du poids
95 personnes 18.5%
Sous-consommation d'aliments
87 pers. 16.9%
Boulimie (ingestions excessives et compulsives d'aliments suivi de comportements compensatoires : vomissements, laxatifs, diurétiques, sport, jeûne...)
11.5%
Diaboulimie (restriction volontaire d'insuline pour ne pas grossir)
9.7%
Anorexie (perte ou diminution de l'appétit ou perte de poids intentionnelle)
8.6%
Sous-poids
46 personnes 8.6%

38 % : Non, aucun

Plus de la moitié des répondants (62%) affirment avoir déjà eu des problèmes de poids ou TCA.
Le sur-poids et la variation fréquente de poids sont des facteurs connus par respectivement 26% et 19% des répondants.

Concernant les TCA, on retrouve en première place la sur-consommation d’aliments (25%) voir des crises d’hyperphagie (25%).
La sous-consommation d’aliments touche 17% des diabétiques de type 1, allant jusqu’à l’anorexie (9%) et la diaboulimie (10%).

Pour plus de la moitié (56%), cela est dû au diabète.

Pourquoi ?
Globalement, nous retrouvons les réponses libres suivantes : 

67% affirment être en souffrance dans leur relation avec la nourriture et le diabète. Plus de la moitié déclare également que cela impacte leur vie sociale.

Témoignage anonyme
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"La gestion H24 de l'alimentation induit un rapport conflictuel avec la nourriture qui m'a mené à développer des TCA (compulsion pour les aliments interdits). Les variations glycémiques et les hypos me poussent aussi à ces pulsions. La gestion de la maladie, lourde et constante provoque des angoisses et des états dépressifs qui me mènent à chercher du réconfort dans la nourriture."
Témoignage anonyme
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"Il y a une grosse charge mentale autour de l'alimentation (repérer les glucides, calculer les glucides, calcul de la dose, anticiper s'il y a une activité physique). Parfois je vis mieux mon diabète lorsque je ne mange pas et que la glycémie reste stable. Lorsque je mange, j'espère à chaque fois que ma postprandiale sera normale."
Témoignage anonyme
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"Le diabète pour moi a surtout signifié perdre l'insouciance de manger, maintenant il faut y réfléchir, peser le pour et le contre, les conséquences que cela aura etc…"
Témoignage anonyme
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"10 ans de TCA, apparus quelques mois après l’apparition de mon diabète à l’âge de 16 ans."
Témoignage anonyme
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"Très difficile de sortir des TCA depuis plus de 20 ans et malgré un suivi."
Témoignage anonyme
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"Merci pour cette initiative. Le rapport à l'alimentation pour un DT1 est compliqué car la nourriture peut autant nous sauver que nous condamner. C'est d'autant plus difficile de prendre du recul et d'analyser son comportement objectivement (sans y insuffler de la culpabilité). J'espère que cette étude sera diffusée le plus largement possible et permettra d'aider, du moins à déculpabiliser."
Témoignage anonyme
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"Je m’interdis complètement certains aliments que je juge trop glucidiques ou trop gras. Ou encore, l’alcool c’est aussi compliqué. Ou alors, je lache complet et je mange n’importe quoi. Genre en soirée je ne me “bourre pas la gueule” mais je mange plein de biscuits, pizzas... tous les trucs que je m'interdis chaque jour."
Témoignage anonyme
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"Prises alimentaires liées aux hypos, impossibilité de faire un régime."
Témoignage anonyme
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"Mon diabète a été diagnostiqué à une époque où l’on recommandait une prise régulière et constante de glucides à chaque repas, associée à des doses "fixes" d'insuline. J'ai souvent mangé pour l'insuline et je me rends compte que ça a profondément influencé mon comportement alimentaire."
Témoignage anonyme
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"16 ans de diabète, jamais je ne me suis sentie bien vis-à-vis de mon corps, et mon rapport à l'alimentation est une catastrophe. Perdue toute confiance en moi depuis des années. C'est un cercle vicieux dans lequel je sombre peu à peu... Merci pour votre questionnaire qui me fait penser que je ne suis pas la seule à vivre ce quotidien difficile."
Témoignage anonyme
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"Après presque 20 ans de diabète à mon actif, je me rends compte que j’ai fait tellement d’erreurs… je mangeais à foison et me faisait vomir pour ne pas grossir ni être en hyper. Adolescente, il m’arrivait de ne plus m’injecter d’insuline pour pouvoir maigrir plus rapidement."
Témoignage anonyme
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"Le rapport à l’alimentation est forcément difficile pour un DT1."
Témoignage anonyme
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"Le diabète pour moi a surtout signifié perdre l'insouciance de manger, maintenant il faut y réfléchir, peser le pour et le contre, les conséquences que cela aura etc..."
Témoignage anonyme
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"Sujet intéressant car je pense que presque tous les diabétiques ont vécu des situations compliquées concernant son alimentation et son diabète."
Témoignage anonyme
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"Je souffre de TCA depuis plus de 10ans (boulimie, hyperphagie). Très difficile à gérer et encore plus avec un diabète, car en plus d’être mal d’avoir fait une crise, il faut gérer l'hyper après, voire l'hypo (la dose d’insuline est impossible à calculer dans ces moments là). Je pensais être la seule dans ce cas, donc merci."
Témoignage anonyme
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"Il est très difficile d'avoir un vrai accompagnement diététique liés aux spécificités du diabète. Ce sont toujours les mêmes consignes qu'il y a 30 ans...rien n'a évolué et on apporte pas de solutions concrète pour aider les diabétiques à gérer leurs alimentation et gérer leur poids. Cela fait des années que je cherche des solutions mais je ne trouve rien !"
Témoignage anonyme
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"De manière générale, le regard des autres, le manque d'estime de soi, la gestion de la nourriture, du poids, la gestion du diabète affecte mon comportement alimentaire."
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3. Quelles solutions pour en sortir ?

Parlons-en !

La communication sur le sujet est primordiale et permettra de faire prendre conscience du phénomène à grande échelle. Les personnes qui en souffrent ne doivent pas rester dans l’ombre ! Si vous vous reconnaissez dans ces lignes, n’hésitez pas à en parler autour de vous, à demander de l’aide, car c’est le premier pas pour en sortir. Alerter sur le phénomène permettra a corps médical, nous l’espérons, d’accorder une attention particulière aux patients DT1 qui souffrent de TCA et qui ont besoin d’un accompagnement spécifique. 

Cloé Neher s’est exprimée sur le sujet dans son livre “1.12g/L, ma vie avec le diabète” paru en 2020. S’en sont suivi plusieurs posts sur les réseaux sociaux, notamment sur son compte Instagram (@1.12gl), celui d’Elsa (@that_woman_type) ainsi que le mien (@diabelifit). 

Il faut continuer !

La mise en place d'un soutien pluri-disciplinaire

La prise en charge du diabète et la prise en charge des TCA sont deux spécialités différentes. Malheureusement aujourd’hui, il existe peu d’accompagnements qui allient les deux. Un diabétologue n’est pas un psychologue et inversement. Guérir des TCA requiert un lâcher-prise vis-à-vis de la nourriture qui n’est pas totalement possible avec un diabète, d’où l’importance d’allier les deux spécialités. La mise en place de ce type d’accompagnement reste à structurer, et la sensibilisation du corps médical permettra d’y parvenir.

Des ateliers psychothérapeutiques déjà existants

Comme évoqué dans l’article précédent, l’impulsion de réaliser ce questionnaire m’a été donnée par Brigitte Ballandras, psychologue spécialisée dans les troubles alimentaires et Présidente de l’association Affects et Aliments et Juliette de Salle, paire-aidante DT1 et secrétaire adjointe de l’association Diabète et Méchant. En 2020, elle se sont associées dans le but de proposer des ateliers psychothérapeutiques pour venir en aide aux patients DT1 qui souffrent de TCA. Le but, créer un groupe de parole avec des ateliers mensuels où chacun(e) peut s’exprimer sur son vécu avec les TCA et le diabète. Des exercices sont proposés à chaque atelier, afin de travailler sur ces troubles et de s’en sortir. N’hésitez pas à les contacter !

Je vous remercie d’avoir pris le temps de venir à bout de la lecture de cet article. Si le sujet vous parle, n’hésitez pas à le partager autour de vous, ou à me laisser un commentaire ci-dessous, me contacter sur mon site ou mon compte Instagram.

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